TRUMPETS IN THE SKY
RAKAN MAYASI
Palestine, Liban, France, Belgique, 2021, Salaud Morisset, 14'55, portrait
Résumé
Boushra, une jeune syrienne, rentre chez elle après une dure journée de labeur à récolter des pommes de terre au Liban. Mais cette soirée n'est pas comme les autres : c'est sa dernière dans le monde de l'enfance.
Réalisateur
Rakan Mayasi est un cinéaste indépendant d’origine palestinienne, né en Allemagne, élevé en Jordanie et basé actuellement au Liban. Il a étudié le cinéma au Liban puis s'est formé auprès du cinéaste iranien Abbas Kiarostami à l’Académie cinématographique d’Asie. Ses précédents films Roubama et Bonboné ont été primés dans de nombreux festivals internationaux. Trumpets in the sky, son dernier court métrage, explore le cinéma comme médium contemplatif, visuellement poétique, métaphorique et mythologique, en mettant le récit au second plan.
Note du réalisateur sur le film
Chaque fois que j'interroge ma grand-mère sur son mariage, elle devient émotive et essaie d'éviter d'en parler. C'est une triste histoire. Elle a été fiancée à 14 ans et mariée à 15 ans, à mon grand-père qui avait plus de 20 ans de plus. Elle était mineure et sa tante a incliné la tête de ma grand-mère quand le cheikh lui a demandé si elle acceptait le mariage, donnant l'impression qu'elle approuvait son destin.
J'ai grandi en apprenant son histoire et j'ai toujours pensé que cette injustice était un sujet que je devais aborder en tant qu'artiste. C'est un sujet que je connais. Je deviens émotif et en colère quand je l'entends me raconter comment elle a dû quitter l'école et passer instantanément de l'enfance à l'âge adulte. J'ai décidé de m'inspirer de son histoire pour rendre hommage à cette forte et belle femme. Pour autant, mon grand-père était un homme très bon et traitait ma grand-mère avec amour et respect.
Au Liban, où je suis actuellement basé, il existe des communautés qui pratiquent toujours le mariage précoce. Chez les agriculteurs et les cueilleurs de pommes de terre qui travaillent entre la Syrie et le Liban, j'ai constaté que beaucoup de filles mineures sont vendues pour le mariage, soit par tradition, soit en raison de la crise économique et du contrecoup de la guerre. Ils sont saisonniers - ils cueillent des pommes de terre pendant trois mois au Akkar, au nord du Liban et quand la saison terminée, ils se déplacent vers la vallée de la Bekaa pour les récoltes. J'ai découvert la société rurale et les personnes marginalisées, toujours en mouvement selon le climat. J'ai alors décidé d'aborder ce film comme une ethnofiction, un docu-fiction ou point de vue documenté, avec des non-acteurs, avec ceux qui existent et habitent là.
J'ai eu envie de faire un ciné-poème - un court-métrage, où je mettrais la métaphore et la poésie au premier plan et le récit, en arrière-plan. Aucun scénario n'a été écrit, et donc aucun dialogue. Je voulais raconter une histoire sans jugement sentimental, tout en privilégiant l'image et la mise en scène. Je ne me concentre pas sur l'identité politique des personnages, je ne m'intéresse qu'à leur histoire en tant qu'êtres humains. Mon intention est de faire un film où l'on pourrait trouver un tableau dans chaque plan. L'espace est très important, c'est un des personnages. La façon dont les montagnes entourent l'espace souligne la présence du divin. Cela donne au spectateur le temps de contempler et de réfléchir sur la vie.
Je souhaitais aussi explorer comment dire au revoir - qu'est-ce que cela signifie ? Il y a un certain nombre d'adieux dans le film - Boushra fait ses adieux à son enfance, à sa mère, à sa famille et ses amis, au camp et aux champs. La fin de quelque chose est sûrement le début d'autre chose - la vie même.
Le titre est venu d'un phénomène qui se produit depuis quelques années maintenant. Des sons étranges sont sortis du ciel dans différents pays. Certains les décrivent comme un bourdonnement ; d'autres disent que c'est un son de trompette. Il m'a semblé que c'était la métaphore d'une intervention divine de l'inconnu et j'ai eu envie de l'utiliser comme un signe du destin. Dans la religion, le son des trompettes est lié au sacrifice et à la mort, ce qui apporte une dimension mythologique intéressante en parallèle du récit.